Explorer la durabilité dans les modèles économiques de la filière viticole : Viti Durable

Alors que les crises climatiques et environnementales se multiplient, la question de la transformation durable devient un impératif pour de nombreux secteurs. Si des travaux sont en cours dans l’énergie, la santé ou encore l’agroalimentaire, l’industrie viticole reste encore marginalement explorée. Pourtant, l’urgence reste la même pour ce secteur.
C’est pour répondre à cet enjeu que le projet Viti Durable a été lancé début 2024. Il vise à mieux comprendre les dynamiques d’adoption de modèles économiques durables dans la filière viticole, à partir d’une étude comparative entre la France et la Nouvelle-Zélande. Son objectif est triple : d’abord, identifier les différentes tensions qui freinent la transition. Ensuite, analyser les capacités requises pour déployer et gérer efficacement un business model durable. Enfin, offrir aux gestionnaires un moyen de positionnement stratégique, afin de mieux situer leur niveau d’engagement durable et d’envisager des trajectoires d’évolution réalistes.
Le projet repose sur un partenariat international entre l’Université Savoie Mont Blanc, notamment le laboratoire IREGE*1, l’ESC Bourgogne*² et deux institutions néo-zélandaises : l’Université de Lincoln et celle de Canterbury. Pendant six mois, une trentaine de structures viticoles ont été étudiées sur le terrain, révélant une hétérogénéité frappante dans la mise en œuvre des pratiques durables.
Les premiers résultats montrent que, si certains domaines parviennent à concilier performance économique et engagement environnemental, beaucoup doivent encore arbitrer entre exigences du marché et contraintes écologiques. Ce fragile équilibre génère des tensions internes et oblige les gestionnaires à faire preuve d’une forte capacité d’adaptation. Le rôle des institutions apparaît ambivalent : elles peuvent être un puissant levier d’incitation, comme en Nouvelle-Zélande avec les programmes de certification, mais elles peuvent aussi freiner l’innovation en imposant des cadres trop rigides ou inadaptés.
Ce qui ressort aussi des observations de terrain, c’est la créativité déployée par certains acteurs pour contourner les blocages. Que ce soit dans la commercialisation, la logistique, la production ou la gestion des ressources, de nombreuses initiatives locales inventent des façons nouvelles de faire du vin autrement, tout en préservant les équilibres naturels.
*1 IREGE : Institut de Recherche en Gestion et en Économie
*² l’ESC Bourgogne : École Supérieure de Commerce de Bourgogne
Un outil de diagnostic en construction
Parmi les livrables du projet, un outil de diagnostic stratégique est en cours de conception. Il permettra aux domaines viticoles d’évaluer leur niveau de maturité durable sur les plans viticole (pratiques culturales), œnologique (processus de vinification) et commercial (positionnement stratégique). À terme, cet outil servira de boussole pour guider les exploitants dans leur transition, en leur proposant des trajectoires d’évolution adaptées à leur situation spécifique.
Avec une base solide de données collectées sur deux continents, les prochaines étapes du projet consisteront à formaliser une typologie des business models durables et à publier les résultats dans des revues académiques et professionnelles. Un Laboratoire Commun pourrait également voir le jour, en partenariat avec l’Agence Nationale de la Recherche. L’objectif serait de tester concrètement des pratiques viticoles innovantes à petite échelle, avant de sélectionner les plus performantes pour diffusion à l’échelle sectorielle, notamment via des actions de formation.
Par ailleurs, le projet Viti Durable s’inscrit en synergie avec d’autres initiatives comme VITIVALO, qui explore la revalorisation des déchets viticoles. Ces travaux complémentaires pourraient ainsi converger pour offrir une approche systémique de la transition, alliant performance environnementale, innovation sociale et durabilité économique.