Du déchet vert au granulé : une entreprise locale au service de la chimie et de l’énergie

Les défis actuels nous rassemblent à nouveau autour d’un but commun. Ils permettent de fédérer différents acteurs pour réfléchir ensemble à l’avenir. Pour moi, jeune ingénieure, cela me donne beaucoup de force et de motivation. C’est une manière de réunir tout le monde autour des enjeux environnementaux, mais aussi économiques et sociaux. En somme, cela nous donne un véritable cap collectif.
Derrière PEPS, il y a une volonté forte : produire de l’énergie à partir des déchets verts. Comment ce projet est-il né ?
PEPS, c’est une technologie mobile de transformation des résidus ligneux en granulés de chauffage. L’objectif est de transformer localement des coproduits, comme les sarments de vigne, en réduisant au maximum le transport et en valorisant une matière aujourd’hui peu exploitée.
C’est donc un vrai changement de paradigme par rapport aux modèles industriels classiques ?
Oui. Là où on a l’habitude de construire une usine fixe et de centraliser les apports de biomasse, PEPS inverse la logique : on déplace la remorque directement sur les lieux de production. Le modèle s’appuie sur la mobilité et sur un travail au plus près du terrain, sans investissement lourd pour les producteurs. De plus, l'unité a été conçue pour changer facilement ses paramètres afin de produire des granulés pour diverses applications.
En tant que doctorante, vous êtes intégrée à ce projet. Quel est votre rôle exactement ?
Je travaille sur le prétraitement des sarments de vigne, un coproduit viticole encore très riche en polyphénols – des molécules naturelles aux propriétés antioxydantes, antibactériennes et antifongiques. L’objectif est double : récupérer ces molécules par des procédés d’éco-extraction (ultrasons, micro-ondes, CO₂ supercritique), tout en valorisant les résidus après extraction sous forme de granulés énergétiques. Nous maximisons ainsi le potentiel de la biomasse en proposant une valorisation en cascade de ses composants, d'abord chimique puis énergétique.
La granulation joue un rôle central : c’est une technique innovante dans ce contexte, à la fois simple, robuste, peu énergivore et efficace pour améliorer le rendement d’extraction. Elle permet aussi de préparer la biomasse pour mieux libérer les composés d’intérêt, tout en offrant des avantages logistiques comme la facilité de stockage et de transport.
Comment garantir la qualité du granulé avec une matière aussi variable que le sarment de vigne ?
C’est tout l’enjeu de ma thèse. Les sarments contiennent des polyphénols, des composés sensibles à l’humidité, aux UV et à l’oxydation. Pour éviter les dégradations, on agit très tôt : la biomasse est séchée jusqu'à un taux d’humidité très bas (autour de 10 %) pour limiter les contaminations microbiennes. L’entreprise PEPS a même breveté un séchoir autosuffisant, utilisant une partie des granulés produits pour sécher rapidement la matière. Et le granulé en lui-même, grâce à la vitrification de la lignine en surface, pourrait avoir un effet protecteur contre la dégradation. Je suis en train de tester cette hypothèse.
Quelle est la place de la collaboration entre la recherche et l’entreprise dans ce projet ?
Elle est essentielle. Je travaille notamment en lien avec des viticulteurs et le Syndicat des Vins de Savoie. Chaque choix scientifique que je fais est pensé pour être transposable techniquement. On est dans une recherche appliquée, qui répond à des contraintes très concrètes de production, de terrain et de réglementation.
On parle souvent de la nécessité de rendre l’innovation plus soutenable. Comment ce projet y contribue-t-il concrètement ?
On valorise un coproduit local et peu utilisé, on supprime le besoin de transport massif, on agit dans une logique de circuit court. L’unité mobile, c’est une réponse sobre, adaptée à la ressource disponible sur un territoire. On est vraiment dans de la bioéconomie territoriale.
Et demain ? À quelles évolutions vous attendez-vous dans ce domaine ?
On a encore beaucoup à explorer, notamment sur l’impact des différentes pratiques agricoles sur la stabilité du granulé. J’espère aussi que cette démarche va inspirer d’autres filières de valorisation, au-delà de la vigne. Il y a un réel potentiel pour une énergie locale, renouvelable et adossée à des données scientifiques solides. Il y a encore beaucoup à inventer !
